Canalblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

NOUVELLES VERTES

NOUVELLES VERTES
Publicité
Archives
Derniers commentaires
24 janvier 2006

A TIRE D'AILE - Chapitre 5 -

Lundi 17 août. Porto, 17 heures.
Le Français qui était assis en face de lui avait un type prononçé d'Arabe: cheveux bouclés, très bruns, presque noirs, peau mat, sourcils noirs fins, yeux légèrement en amandes, pommettes hautes, nez plutôt fin pour un... et menton triangulaire. Il avait une barbe mal rasée. Son visage avait cet aspect sale qu'il détestait chez tous ces gens là. Comment est ce qu'il pouvait être français? C'était un mystère pour Roberto. Il s'était passé beaucoup trop d'événements depuis dimanche pour que lui Roberto puisse comprendre vraiment pourquoi il se retrouvait en face de ce flic. Un flic français d'origine arabe. Ses cousins lui avaient dit que tout foutait le camp en France. Il avait préféré rester chez lui. Et voilà que maintenant ils venaient jusqu'ici ces demi français. Depuis l'attaque de dimanche, il avait tourné et retourné dans sa tête des idées, sans toutefois arriver à trouver des liens.
Il s'était réveillé avec un bras suspendu à une potence, une douleur au côté gauche quand il respirait, et du mal à rester longtemps allongé dans la même position. Heureusement qu'il n'y avait personne pour pleurer à ses pieds. Il n'aurait pas supporté. Il s'était souvenu par bribes de ce qui était arrivé. Il avait recoupé avec les informations de la police de l'immigration et pourtant il n'avait rien voulu dire. Les douaniers, avaient été un peu plus perspicaces. Ils avaient repéré les containers qui coulaient, eux, ils ne l'avaient pas coincé pourtant. Et puis personne n'avait heureusement pensé à lui demander ce que ce morceau de fax qui était arrivé au moment de l'arrêt des ventilateurs et resté bien en évidence sur la machine, pouvait vouloir dire. Seul, ce type semblait avoir suspecté quelque chose. Il ne pouvait pas être allé très loin pourtant. Ses collègues à l'immigration et à la douane, qui avaient pris cette attaque pour un vol ou un détournement de marchandises, avaient malgré tout informé Europole. Il y avait un flic qui était mort et un des employés du matin sérieusement blessé. C'est ce qu'il avait interprété des diffèrents interrogatoires qu'il avait subis depuis sa reprise de conscience. Dans ces cas là, normal, les flics se serraient les coudes. Il avait appris que les scellés avaient été posés sur l'unité de fabrication parce que son patron était passé le voir ce matin. Il lui avait fait comprendre que le plus tôt il serait rétabli et le mieux ce serait pour tout le monde et qu'il n'y perdrait pas. Tous des sangsues. Ca l'avait retourné. Et maintenant ce flic à tête de bougnoule qui venait encore l'interroger avec un accent portuguais inimitable. Vraiment la totale.Qu'est ce qu'il lui voulait encore ?
- M. Da Silva, vous avez appelé les services de police de Porto et pas les services de la police de sécurité ni ceux de l'immigration ou des douanes, est ce que vous pouvez vous souvenir pour quelle raison. Il devait y avoir une raison plus grave que d'habitude n'est ce pas ?
- Oui, Monsieur l'officier, il y avait que, quand ça a commencé à canarder, c'était à l'intérieur que ça se passait et c'était deux hommes en cagoules avec des fusils d'assaut qui tiraient.
- Et où étaient-ils situés ces deux hommes ?
- Monsieur l'officier, je suis fatigué de répeter toujours la même chose. Je l'ai déjà expliqué aux autres policiers plusieurs fois.
- Monsieur Da Silva, vous avez compris que je viens d'Europol parce qu'il y a un collègue qui est mort et que d'autre part ça touche sans doute un trafic de produits alimentaires dans l'Union. C'est pour ça qu'ici la police a fait appel à moi. C'est pour ça que j'ai besoin de votre aide.
- Ils étaient du côté des stocks frigorifiques. Mais ce n'est pas possible.
- Qu'est ce qui n'est pas possible ?
- Ce n'est pas possible qu'ils y étaient parce que mon collègue, le jeune ingénieur, m'avait prévenu qu'il pousserait les systèmes à fond dès le vendredi pour que nous puissions travailler tranquilles dimanche matin. Ils seraient morts et congelés s'ils avaient été là.
- Alors d'où venaient ils à votre avis ?
- Ils sont entrés par derrière comme moi un peu plus tôt.
- Est ce vous qui les avez laissé entrer ?
- Pour me faire tirer dessus ensuite ? Vous êtes fou ?
- Monsieur Da Silva, me prenez vous pour un flic français à tête d'arabe et fou ou seulement pour un con ? Vous et moi nous savons que les stocks frigo sur la plus grande partie des zones franches, ici dans le Sud ne fonctionnent pas correctement. Encore plus quand c'est le week end. Et c'est bien pour ça qu'elles existent ces zones, c'est parce qu'on peut y traffiquer comme on veut les week end. Il n'y a pas de contrôle sanitaire le week end, hein ?
- Oui, vous avez peut être raison. Mais ça ne se fait pas chez nous.En plus cette fois-ci il y avait un déchargement important de poulets du Brésil qui est arrivé presque en même temps que d'autres de Thailande que nous n'attendions pas aussi vite. C'est pourquoi mes collègues ont poussé la température des frigos à fond pour être le plus froid possible. C'est pourquoi je vous le dis encore une fois ces types ne pouvaient pas sortir de là. Impossible.
- Et s'ils étaient sortis non pas de ce stock frigorifique mais du stock des emballages. Ca se trouve à côté ou au dessus non ?
Roberto fixa le flic français un moment. Ce type était dangereux. Il réfléchissait vite, il avait déjà des idées en tête. Ca le rendait perspicace.
- Oui, et qu'est ce que ça aurait changé à votre avis ?
- Monsieur Da Silva, je ne sais pas ce que cela aurait changé. Je n'ai pas passé beaucoup de temps à votre usine. Mais je me dis que votre usine étant certainement comme celles que j'ai déjà visitées, ce serait certainement logique qu'ils se soient embusqués là.Qu'en pensez vous ?
Roberto eut un mouvement des paupières et son visgae perdit quelques couleurs. Il sentit un creux s'ouvrir dans son estomac et la bile remonter très vite. Une envie de vomir l'étreignit quelques secondes. Ce flic français allait vite. Trop vite. D'ici quelque temps, lui, aidé des autres flics, il allait trouver les raisons de cette fusillade. Il trouveraient peut être, comme lui, une partie de l'iceberg. En attendant, cela ne profiterait plus à pauvre Roberto, se dit-il.Le plus important maintenant c'était d'être très prudent dans ses réponses, de se souvenir de l'essentiel de ce qu'il avait découvert et de n'en rien dire jusqu'au bon moment.Il avait bien fait de prendre le temps de tout enregistrer sur des CD et pas sur son ordinateur. Ces disques de plastique étaient une assurance-vie maintenant. Il s'en était rendu compte dimanche.
- Bon, Monsieur Da Silva, je vais aller la faire cette visite à votre usine. Je reviens vous voir quand j'ai terminé. Portez vous bien.
Il utilisait la formule espagnole qui sonnait à ses oreilles comme une mise en garde. Exprimée dans un sourire, il ne semblait y avoir aucun sens caché.
- Ah Monsieur Da Silva, quoique j'ai toutes les clés, mes collègues m'ont dit qu'il y avait un ordinateur dans votre bureau. Ils l'y ont laissé. En général il y a un mot de passe sur ces machines. Est ce que vous pourriez me le confier ce mot ? L'ingénieur que nous avons contacté nous a prévenu que vous l'aviez modifié il n'y a pas longtemps. Lui non plus n'a pas pu entrer dedans ce matin.Vous arriveriez à vous en rappeler là maintenant ?
Un vrai serpent ce type, il te regarde en balançant sa tête et il t'attaque sans que tu vois le coup arriver.
- Heu, Monsieur l'officier, le mot de passe est collé à l'intérieur du troisième tiroir à droite sur le fond. Si vous passez la main vous le sentirez. C'est un peu difficile à redire comme ça.
- Monsieur Da Silva, je vous comprends. Moi au bureau j'ai modfié le mot de passe de mon ordinateur aussi. Maintenant il est en arabe et en chinois et je serai incapable de vous le donner si vous me le demandiez. A tout à l'heure.
Quand l'inspecteur Aït Ouali sortit de la chambre, Roberto s'enfonça dans son lit en grimaçant. Il fit une courte prière à son saint patron. Si cela pouvait lui faire du bien, cela ne pouvait pas lui faire de mal. Il s'estimait heureux de ne pas avoir de famille à faire vivre. Il pouvait disparaître sans faire de malheureux autour de lui. Là, en ce moment, il ne voulait pas payer pour d'autres. Il voulait profiter de sa chance, enfin et gagner, gagner et gagner encore, plus que jamais il n'avait imaginé.Ce n'était sûrement pas un flic franco-arabe qui allait l'en empêcher.Ni des gros bras mal embouchés avec des M16 au bout des bras.
La porte refermée derrière lui, Aït Ouali se tourna vers son collègue portugais André Da Costa. Il lui sourit.
- André, merci d'avoir insisté pour que je vienne ici. A Lyon, ils n'étaient pas chauds, tu sais. Il leur manque toujours dix cents pour faire un euro. Surtout quand il s'agit de nos voyages. Et ils dépensent des millions pour modifier un système informatique qui va être piraté dans la minute qui suit son lancement.Ce type n'est pas franc, André, il me semble que ça ne sent pas bon. Qu'est ce qu tu en penses toi ?
André, grand, blond-roux, yeux bleux, visage glabre et rond, souriant en permancence était l'antithèse vivante de ce qui pouvait être vu comme un flic portuguais bon teint. Il avait fait ses études à Toulouse et à Bordeaux à l'école de police avec Aït Ouali. Une fois reparti au Portugal, il était resté en contact avec son condisciple. Sans être un ami, ce dernier était une relation sûre en France. Sa confiance avait été bien placée, Aït Ouali était maintenant à Europole. Lui aussi était monté en grade. Il était un bon flic et il avait su cultiver ses relations françaises. Avec les deux derniers changements politiques au Ministère de l'Intérieur, le rapprochement des polices dans Shengen, cela lui avait servi.
- Oui, ça nous a paru étrange qu'il appelle un voisin flic sur son portable, qui se trouve être de ma brigade, plutôt que ceux de la zone. Ceux du port n'avaient rien vu ni entendu quand nous sommes arrivés. Si tu regardes la main courante du poste de contrôle, à part Roberto et ses ouvriers, personne n'est entré avant lui, ni après lui, ce dimanche. D'autre part qu'est ce que pouvaient faire des types dans une usine frigorifique avec des M16 dernier cri et silencieux ?
- C'est un règlement de comptes à ton avis ?
- Si c'est un règlement de comptes, il a été mal organisé, ou alors ça a un rapport avec ce type et avec son entreprise. Pour moi, c'est un trafic international, c'est pour ça que je t'ai passé tout ça. Les méchants ont disparu, pas de traces, pas de voitures, pas d'hélicos à la James Bond, rien et un copain de l'immigration sur le carreau. C'est trop pour nous, trop pour moi.
- J'ai pu lire vite fait que cette entreprise travaille avec de nombreux fournisseurs étrangers hors de l'Union du Mahgreb à la Chine en passant par le Brésil et qu'elle fournit toutes les plus grandes sociétés de commerce et de distribution en Europe. Vous autres, les Portuguais, vous avez toujours eu le sens du commerce lointain. Mais quand même, de la volaille, hein, des poulets, ça me dépasse. Pas de drogue, là, rien, hein ?
- Non, Bob, tu verras, il n'y a pas de drogue. Nous n'avons rien bougé, tu pourras voir par toi même.
- Est ce que c'est une usine comme toutes les autres ? Des sas d'entrée, des stocks frigos et des convoyeurs dans des salles blanches ? Je ne suis pas allé voir celle là. Mais Roberto lui a un peu bronché quand je lui ai parlé des stocks de cartons. Il a cru que j'y étais allé.
- Oui, nous avons préféré ne rien toucher trop vite. Autrement, comme le patron est une huile, il aurait vite fait de faire savoir à mes chefs que nous devons balayer en partant. Oui, il doit y avoir un stock de cartons à côté des frigos, si je me souviens bien.
- Et il est où le patron ?
- Eh, Bob, ici la zone c'est un endroit où les flics sont persona non grata. Pour y entrer hier, c'était moins difficile parce que il y avait du grabuge. Mais ce matin l'indépendance du commerce avait repris ces droits. C'est franc de taxes et ...de flics.
- André, emmène moi là bas que je me rende compte. C'est moi le type de la police scientifique. Je suis certainement capable de trouver un fil conducteur qui ne gênera pas le patron de cette entreprise tout de suite.
(Copyright en cours. Tous droits de reproduction réservés)
JNR

Publicité
Publicité
17 janvier 2006

A TIRE D'AILE - Chapitre 4 -

Chapitre 4. Lundi 17 août. Rotterdam, 15 heures.
- Ni hao, Chung Quin
- Ni hao ma, Hung Shi Wa
- Alors, comment ça va vieux frère ?
- Bien, grand frère né avant moi, je suis le dragon qui s'élève dans les airs et suit de son feu les étranges esprits.
- Continue comme ça et je t'aligne pour discours rétrograde. N'es tu pas fatigué de te retrouver dans des commissariats au fond de campagnes éloignés dans notre bien aimé pays ?
- Humm...
Chung Quin, ne cherchait certainement pas à se souvenir. Ici dans cet immeuble au milieu de Rotterdam, les canaux passant en bas, les vélos roulant sans hâte, il pouvait cependant sentir la force croissante de ses frères chinois. D'où qu'ils viennent, quoiqu'ils puissent faire, quoiqu'ils puissent croire, ils participaient peu à peu à l'éclosion de la puissance chinoise.Ce n'était donc pas le moment de se souvenir des erreurs passées, les siennes comme celles de ses chefs. Aujourd'hui, il avait une mission et pour le bien de ses compatriotes, de ses camarades, il devrait l'assurer.
- Dis moi, Hung, comment vont vos affaires ?
- Très bien, très bien, depuis que nous avons déplacé notre bureau de Amsterdam à Rotterdam, nous n'avons eu qu'à nous en féliciter. C'est ici que ça se passe Chung.
- Qu'est ced qui marche le mieux alors ?
- Tout marche comme nous voulons, même le négoce des hydrocarbures commence à rapporter, est ce que tu te rends compte ?
- Qu'est ce que tu veux dire ? Nous avons besoin de pétrole non ? Nous en manquons !
- Eh là grand frère, ne t'emballe pas, toutefois, Chun, ce n'est pas parce que tu as besoin d'un produit que tu ne peux pas gagner de l'argent dessus, non ?
- De la spéculation, c'est ça ?
- Enfin, écoute, Chung, nous avons suivi les mêmes cours à l'Académie des finances de Shanghai et le MBA à EM Lyon, et tu parles encore de spéculation ? Vraiment du me déçois.
- Hung, tu sais bien que tu as toujours été meilleur que moi dans les études et particulièrement en réthorique.C'est ce qui explique que je m'occupe d'assurance. D'une certaine façon. Je comprends mieux. Il y a un bien, il est assuré, il disparaît, soit je le retrouve, soit je ne le retrouve pas, et dans un cas comme dans l'autre le client assuré perçoit une partie de la valeur de ce qu'il a vu disparaître. Ca dépend seulement de la façon dont il est assuré ou dont je retrouve le bien en question. Rien de bien génial et en tous les cas à ma portée. En plus c'est honnête comme travail.
- Chung, es tu en train de me dire que je suis malhonnête ?
- Non, Hung, je te connais. Tu ne l'es pas. Et puis nous sommes frères sinon de sang, au moins de clan. Reconnais quand même qu'autour de toi il peut y avoir des brebis galeuses, non ? Est ce que tu as négocié des volailles venues du Brésil récemment ?
- C'est donc ça, tu es encore Chinois, ne pouvais tu pas m'écire tout ça par Internet ? Il fallait que tu viennes ? L'air de l'Europe c'est ça ? Cest le parti, le clan ou ta grande société d'assurance qui a besoin d'un coup de main invisible ?
- Tu es très rapide, et très perspicace. Oui, j'ai besoin d'un peu d'aide.
Puis Chung passa au cantonnais des régions du delta, un cantonnais décadent comme l'expliquaient à longueur de temps ses collèges au travail, et pourtant le seul qui lui permette de faire comprendre rapidement et sans efforts à Hung ce qu'il venait chercher. Une grande entreprise étrangère installée depuis quelques années en Chine avait passé un contrat avec un des nombreux producteurs chinois de toutes sortes de matières premières agricoles. Cette entreprise étrangère avait investi dans une, puis deux, puis plusieurs usines pour transformer ses matières en produits consommables. Ensuite chacune de ces usines, avaient passé des accords avec des entreprises de négoce, chinoises ou étrangères, pour vendre ces produits devenus alimentaires tant en Chine qu'à l'étranger. De ce fait, à cause de la vente à l'étranger, les usines bénéficiaient de tarifs préférentiels dans leurs investissements puisqu'elles exportaient. Les entreprises de négoce, étaient à plusieurs niveaux, liées par le capital avec l'entreprise étrangère. Elle se retrouvait ainsi au centre d'une toile tissée grâce aux lois chinoises, elle payait les taxes et les impôts régulièrement. Elle était de plus assurée et ses filiales ou partenaires, auprès de la société d'assurance des marins chinois, le nom de l'entreprise de Chung. Tout cela fonctionnait depuis plus de quinze ans, un contrat pratiquement aussi vieux que la société d'assurance d'Etat. Depuis bientôt trois ans les sinistres dus à des disparitions de marchandises sur le sol chinois, et après départ vers les destinations lointaines, étaient en augmentation.Les primes payées en remboursement avaient donc augmenté. Elles s'étaient élevées au départ à quelques centaines de remimbi, puis avec le temps étaient passés à quelqes milliers. L'année passée le total des remboursements avait atteint le total des deux années précédentes. Chung, surnommé dans l'entreprise, le « célebre inspecteur Chung », parce qu'il avait une réputation de flic qui le précédait, avait été chargé de trouver ce qui n'allait pas. Avec son équipe, il avait repris toutes les expéditions de chacune des usines puis de chacune des sociétés de négoce. C'était un travail qui n'était pas encore terminé. Il y avait une récurrence dans les procédures de certaines ventes domestiques et export. Ces procédures de vente provoquaient immanquablement des accidents, irréparables, au dire des experts envoyés sur place et impliquaient que son entreprise rembourse. Depuis le début de l'année, un nouveau facteur intervenait: toutes les expéditions à risque concernaient des volailles.
- Ca a à voir avec le SARS c'est ça ?
L'interrompit Hung. Chung sourit. Ils étaient arrivés à la même conclusion. Avec ses collègues, ils étaient allés visiter les lieux de production des dites volailles. Malheureusement si certaines des productions sortaient des régions touchées par cette maladie, beaucoup d'autres n'en n'étaient pas issues. Les volailles sorties des zones de l'épidémie ne représentaient que trente pour cent des expéditions litigieuses. Ils étaient ensuite aller visiter les usines de transformation. Il y en avait cinq. Ils avaient été étonnés par le niveau de propreté. Ses collèges avaient du demander une autorisation pour entrer et ils avaient du attendre à l'entrée des deux premères usines piteusement, que la direction de l'entreprise étrangère accepte de les laisser entrer. Comment fallait il comprendre ce comportement des étrangers ? Dans chacune de ces usines ils avaient également rencontré de nombreux long nez. Ils avaient pu parler avec certains d'entre eux. Ils étaient jeunes, fraîchement sortis de l'université ou d'une école d'ingénieurs et passaient là un stage ou un premier emploi. Ils tous enthousiastes d'être en Chine. Ils ne voyaient rien de particulier dans le déroulement de la production dans leurs usines. Ils n'étaient pas tous capables de lire le mandarin, même s'ils avaient un bon niveau de langue. Les équipes qui travaillaient avec ces jeunes les respectaient et les admiraient. Une atmosphère différente de celle qu'ils avaient pu voir dans d'autes enquêtes chez des barbares ! Leur travail d'inspection dans ces usines n'avaient rien donné. Les expéditions litigieuses avaient toutes été traitées et renvoyées au centre de coordination de Shanghai. C'était peut être la seule étrangeté, toutes les archives et tous les papiers des expéditions avaient été transmises à Shanghai. Les équipes d'inspection avaient les copies de ces papiers et donc avaient eu à appeler le QG pour chaque vérification. En fait tout devait certainement se passer à Shanghai...
- Chung, c'est un peu long tout ça. Pourquoi es tu là toi ? Où sont tes collègues ? Tu devais venir avec deux inspecteurs, non ? Tu avais même dit que tu travailles avec une « Perle de Lune ».
- Je suis là parce qu'à Shanghai nous n'avons rien pu obtenir de sérieux dans notre recherche. J'ai alors proposé à nos chefs de visiter les clients finaux et de suivre le chemin des transactions à rebours. Cela perdra du temps toutefois. Si je m'appuie sur mes relations à travers le monde et si...je laisse mes collègues au bureau de Hong Kong pour éviter trop de pression.
- A Hong Kong ? Pas mal. Ils ont accepté ?
- Mes chefs ? Comme un seul homme ? Mes collègues font de temps en temps des sauts à Dahlian, Shanghai et Guandong et surtout ils passent du temps à croiser les informations.
- Donc, tu veux savoir si nous avons récemment importés des volailles de Chine?
- Pas exactement. D'après les factures les volailles de ces différentes entreprises partent pour l'essentiel vers le Brésil pour transformation. Donc je commence par vérifier les importateurs de volailles brésiliennes ici en Europe et aux Etats Unis, parce que habituellement c'est dans ces zones qu'ils vendent les Brésiliens
- Oui, ça se tient. Ils vendent aussi aux Argentins, aux Chiliens, aux Africains, même, si tu lis les journaux ?
- Ca je sais, et c'est ce qui rend cette enquête si difficile. Qu'est ce qui peut différencier un poulet chinois d'un poulet brésilien ? Hein,?
- Y en a un il a les yeux bridés et l'autre il fait le tapin ?
- Le tapin, c'est quoi ce mot nouveau ?
- C'est la manière occidentale de faire de l'arrosage des montagnes en faisant payer, tu vois ?
- Toujours aussi poétique. C'est vrai qu'ici la prostitution est libre.
Hung sourit et se tourna un instant vers le canal en bas de l'immeuble. C'est à peine si Chung entendait les bruits du bureau autour et rien de ce qui se passait dans la rue.Hung vint fixer les yeux sur Chung.
- A part les importations de volailles en provenance du Brésil, est ce que tu veux autre chose ? Y a t il un autre pays ? Un autre produit qui t'intéresse ?
Chung le dévisagea. L'espace d'un instant il avait senti dans les intonnation de son vieil ami comme un espoir, une requête peut être plus insistante que ses mots. Voulait il en savoir plus sur l'enquête ? Ca ne pouvait pas être ça. La tension, le « jetlag », rien d'autre.
- Oui, uniquement du Brésil. C'est là que leurs ventes se font pour près de 90%.
- As tu le nom des sociétés brésiliennes qui achètent ?
- Oui, Hung, la voici. Il prit la liste en hochant la tête. C'était deux pages portant de nombreux noms dont certains étaient écrits en chinois uniquement et d'autres également en caractères romains. Hung releva la tête.
- Elles sont plus ou moins toutes installées près de Sao Paolo, n'est ce pas ? Nous avons quelques fournisseurs parmi ces gens là. De petits fournisseurs je te préviens. Je vais demander au service négoce de la volaille de te sortir. Te sortir quoi au fait.
Il jeta un regard interrogateur et peut être un éclair de moquerie passa dans l'oeil. Chung se posa la question un instant et elle disparut aussitôt.
- Est ce que je peux avoir la liste des transactions depuis trois ans avec ces fournisseurs ? Et... la valeur des transactions.
- Chung tu pousses un peu, là, mon ami. Ne crois tu pas que le dragon va se réveiller ?
- Hung, laisse dormir le dragon. Qu'est ce que tu me proposes ?
- Toutes les transactions supérieures à 10 000€ ou à 12 000$ sont à toi, pour le reste oublies le.
- D'accord. Je souhaiterais alors avoir le nom des navires qui transportent.
- Ca pas de problèmes. Ils sont forcément sur nos fiches de réception de marchandises, même si les volailles sont la plus grande partie du temps dans des containers isothermes. Nous sommes en Europe ici, pas à Dahlian.
- Epargnes moi tes douceurs.
- C'est tout ?
- Oui, frère né avant moi. Maintenant puis je solliciter de ton aimable largesse un grand verre de thé chaud venu du pays ?
- Bien sûr, frère né après moi, j'étais tellement sous le charme de ta voix et de ton histoire aventureuse, que j'ai totalement...
- Ce n'est rien, grand frère, puis je pour te remercier, t'inviter ce soir à la Jonque d'Or ? Tu la connais bien sûr, mais toutefois cela me ferait plaisir de...
- Petit frère, dès qu'il s'agit de manger ou de t'amuser tu es bien le premier.Et c'est moi le petit gros et c'est toi le grand maigre. Ici, tu sais, je me suis habitué aux pratiques alimentaires et aux moeurs. Et ce soir je vais assister à un match de football. Tu vois, je ne dis même plus soccer... Une autre fois petit frère. Voilà le thé.
Une jeune femme, s'approcha avec la théière traditionnelle en fonte verte. Elle était habillée comme dans un bordel de Canton, en rouge et or, la jupe fendue jusqu'en haut des cuisses et le corsage suffisament ouvert pour que Chung puisse voir ses seins, quand elle s'agenouilla pour lui servir le thé. Il leva les yeux vers Hung, qui cligna lentement des paupières.
- Oui, Hung, tu as pris certaines moeurs locales et ?
- Et j'ai gardé pour mes amis le meilleur de la Chine.
Il éclata de rire. Chung, s'appliqua à rire. La partie ne serait pas aussi facile qu'il l'avait escomptée.

14 janvier 2006

A TIRE D'AILE - Chapitre 3 -

Lundi 17 août. Lyon, 8 heures.
L'inspecteur Mohamed Robert Aït Ouali, plus facilement appelé par ses collègues depuis son séjour au commissariat de l'Ariane à Nice, « Bob », était en train de fumer dans sa voiture. Il n'aimait pas fumer, il n'avait jamais aimé sentir la fumée des cigarettes, encore moins dans une voiture. Pourtant, depuis qu'il était arrivé, un an plus tôt, à Lyon, il avait pris l'habitude de laisser un paquet de cigarettes prêtes à être fumées. C'était ça ou s'acheter un char pour pouvoir venir tranquille depuis son appartement d'Ecully jusqu'à Saint Cyr, siège de la délégation d'Europol en France dans l'immeuble d'Interpol, de l'autre côté de la Saône et visible de puis la montage où était son immeuble. Il n'y avait à vol d'oiseau que cinq kilomètres tout au plus. En char et en écrasant ceux qui le gênaient il pouvait mettre, quoi ?
A combien ça roule un char avec des obtsacles sur sa route? Moins de 50 kilomètres heure sûrement. Que de voitures écrasées sous le Tunnel de Fourvière. Ce rêve éveillé, il l'avait fait plusieurs fois depuis qu'il était venu rejoindre la section « Criminalité d'origine asiatique » d'Europol et pour se calmer il avait d'abord écouté la radio, c'était insipide, puis ouvert la fenêtre, horribles fumées d'échappement, puis empesté comme les autres, allumé une cigarette et l'habitude était venue.
Il mettait la radio, ouvrait la fenêtre et commençait une cigarette, dans cet ordre. Il savait alors combien de temps il allait encore souffrir dans l'embouteillage interminable qu'il devait affronter. C'était son copain de bureau, le Croate Vaclav, qui les ramenait de son pays. Elles parfumaient l'habitacle. Et ce matin encore, il se demandait pourquoi il n'avait pas pris le métro. Comme le lui répétait sans cesse le gardien de son immeuble, maintenant que le métro arrivait à Ecully, il fallait en profiter. Quand il était arrivé dans cette grande ville marriant le modernisme à l'influence gauloise, il avait pris le métro avec enthousiame. Depuis, comme tous les "vrais" Lyonnais, il ne comptait plus les journées perdues pour cause de grève impromptue, dues à l'agression d'un chauffeur ou de dégradations empêchant le métro d'arriver jusqu'à la prochaine station. Il était intervenu une fois auprès de jeunes beurs en leur faisant remarquer qu'il payait son ticket et que ça comprenait le transport et pas la musique. En arrivant au terminus, il avait dû courir pour échapper à la bande de minus habens soudainement sortis de plusieurs couloirs à la fois avec leurs battes de base ball. Il avait dû son salut à un vieil arabe portant le hadj qui avait apostrophé un des leaders en lui expliquant que de vouloir frapper un flic, il avait dit flic, lui mettrait Allah sur le dos jusqu'en Enfer. Il aurait pu dire: « Par Allah, sauvé ». Il n'avait pas osé. Il n'avait pas pu retrouver ce vieil homme pour le remercier.
Un concert d'avertissements venait de débuter et ça voulait dire qu'il devait avancer. Oui, la bretelle sortant de Fourvière pour partir vers les quais de Saône était libre. Il s'engoufrait sur cette route en colimaçon et même à moins de cinquante kilomètres heure, il serait quand même à l'heure au bureau. Un lundi matin, le travail n'était jamais très lourd. A croire que depuis qu'il était à Europole, les gangsters venus de l'est de la Méditerranée étaient eux aussi au repos le week end.
L'immeuble d'Europol est sans âme. Une grande cage de verre bleutée qui s'élève sur plusieurs étages et qui est posée, Kaaba immobile au bord du fleuve. Aux quatre faces de verre sans aspérités aucune, il voyait une métaphore de la police européenne: lisse, sans angles aigus, bleue. Le message était : « Si vous pouvez voir des fonctionnaires de police travailler pour vous, alors ils peuvent vous voir ». En garant sa Lancia turbo, âgée de près de dix ans maintenant, il se demandait si d'autres policiers comme lui, arrivant de leurs polices respectives s'étaient déjà essayés à cette comparaison de la tour de verre et de l'impossibilité qu'ils avaient de faire autre chose que de voir ce que devaient être les actions à mener. Après avoir présenté son badge devant l'ascenceur et regardé bien en face la caméra de reconnaissance, il sentait pour la centième fois au moins, ce vertige qui l'avait pris quand le commissaire principal de Marquis, à Nice, l'avait appelé dans son bureau.
- Alors, Aït Ouali, vous avez décidé de partir rejoindre ces tire-au-flanc, ces planqués d'Europol, je lis sur ce courrier, humm ?
- Chef j'en ai marre de ne pas pouvoir grimper. Après tout ce temps passé ici à résoudre des problèmes d' assistante sociale.
-Aït Ouali, celui dont vous ne voulez pas parler en clair, moi autrement dit, ce petit monsieur il va se casser d'ici vite fait bien fait un de ces quatre matins. et vous pourrez prendre ma place.
- Chef, sauf votre respect, je m'en fous.
Il y avait eu un silence. Il ne fallait pas franchir les espaces trop vite avec de Marquis. Il avait ausculté son inspecteur. Il avait pris un moment. Et éclaté de rire. Un rire tonitruant, une cascade. Les larmes aux  yeux, il avait repris.
- Ca me fait marrer, vous entendez ce que je dis, ça me fait marrer, de m'imaginer la tête de votre confrère, et néammoins ennemi sans retour, là bas à Montpellier, quand il va apprendre que vous allez vous retrouvez si haut. Ca au moins il ne pourra rien y faire. Bien joué, Aït Ouali.
Il s'était repris.
- Souvenez vous quand même, que ce machin, même si c'est le centre de la police européenne, il ne peut rien faire, eux dedans ils ne peuvent rien faire, rien de rien. C'est à dire, rien, sans nous.
Le commissaire principal de Marquis, fidèle serviteur de l'Etat, d'ascendance nobiliaire démontrée, flic de père en fils depuis l'arrivée de Fouché aux côtés de Napoléon, supportait mal l'idée qu'un jour, peut être, il y aurait une police au dessus de la sienne.
- Chef, tant que ce sont des Arabes comme moi qui se retrouvent là, vous savez bien que vous n'avez rien à craindre pour l'autorité de la police française, hein ?
Il regarda à nouveau, ses yeux noirs brillaient avec une lueur d'éclair. Il renifla et sourit.
- Aït Oulai, vous êtes un bon, sans doute très bon flic, teigneux, perspicace, et donc efficace. Courageux à certains moments. Vous verrez vous allez vous emmer.... là bas.
Il n'avait pas voulu prononcer le mot de Cambronne en entier.
Au sixième étage, la division « Police scientifique », du département « Relations internationales ». Le bureau de Aït Ouali, se trouvait face à la Saône coincé entre celui de ses collègues traitant des affaires d'Europe Centrale et celui des affaires Africaines. Il se demandait si son ancien patron n'avait pas eu raison tous comptes faits. Les bureaux, disposés autour d'une grande plateforme, qui regroupait le pool des assistantes multilingues, formaient un cercle sur une surface carrée, encore une métaphore de la police européenne, de la démarche européenne depuis son début, sans doute. En tous les cas, cela donnait à certains bien moins d'espace que leurs voisins. Il avait hérité d'un de ces petits espaces. Quoique responsable des affaires criminelles d'origine asiatique, et donc représentant à priori près du tiers de la population de la planète, ici il pesait moins que l'Afrique ou que la Pologne. C'était grâce à sa maîtrise de plusieurs langues asiatiques, c'est à dire vu de Bruxelles, de nombreuses langues parlées à l'est de la Grèce, qu'il avait pu être séléctionné à ce poste qui venait d'être créé. Il était à même de parler et d'écrire, outre les langues européennes habituelles, l'arabe et aussi le turc, l'ouzbek. Ses connaissances s'étendaient et s'arrêtaient au dialecte japonais des Ainu dans le Nord du Japon. Il avait toujours eu des facilités avec les langues et c'était devenu un hobby. En arabe, à cause des nombreuses variations dialectales, il avait pu sans difficultés acquérir des tons qui lui avaient servi ensuite dans son apprentissage des diffèrentes langues chinoises parlées à la fois sur le territoire principal et chez les populations des diasporas.
Parfois, bien sûr, il faisait des erreurs, des séminaires et des conférences avec des collègues au Maroc, en Tunisie et au Liban étaient là pour les lui rappeler. Il s'étaient faits aussi des amis, à la vie à la mort, là bas et, ça allait avec dans ses pays, des ennemis pour la vie. Pour ce qui concernait les cultures de tous ces gens, c'était un rocher de Sisyphe, plus il avait le sentiment d'apprendre et moins il comprenait. Poussant la porte de son bureau, sur laquelle était accroché une plaque où avait été gravés " M. Mohamed Robert Aït Ouali. Inspecteur. Police Scientifique Européenne. Département Relations Internationales. Pays Méditerranéens et Asiatiques", la fierté montait en lui à nouveau. Il était regonflé pour la journée. Son bureau, dont la surface au sol représentait deux cônes applatis, opposés par la pointe, il avait essayé de le décorer de la même manière que son héros Philip Marlowe. Tout un pan de mur était couvert de photos, articles de journaux en voie de jaunissement, certificats et de ses quelques diplômes encadrés à pas cher. Sa table était sorti d'un grand magasin suédois parce que celle réglementaire qui lui avait été assignée ne correspondait pas à l'idée qu'il se faisait de lui même. Elle était en bois massif et tellement lourde à déplacer que les employés de la maintenance avait renoncé à la faire disparaître.
Sa surface était vide. Le vendredi soir , il avait pris l'habitude de mettre, rangé ou en vrac, tous les dossiers encore en suspens dans un tiroir à droite. Il voulait donner le change. Un flic travailleur, rangé, qui a tout dans la tête et qui raisonne comme un ordinateur. La machine était là, elle, trônant au milieu de cette table, grise argentée, ouverte alors qu'elle aurait dû être fermée. Il s'assit après avoir accroché son blouson à l'unique patère derrière la porte. L'écran était déjà allumé et il restait à taper son code d'entrée dans le système.Le collègue intrus n'était pas arrivé à le faire. Bien du plaisir à celui qui serait capable de trouver un code d'entrée en arabe ancien et en chinois. Il grinça des dents. Qui avait essayé d'entrer dans sa machine ? Il devait savoir. Un coup à la porte. Avant que le mot "entrez !" ne soit sorti de sa bouche, la porte s'était ouverte et celle qui avait essayé de lire dans son appareil, il en était sûr, entrait. C'était sa collègue thailandaise. En la voyant maintenant sa conviction s'affirmait .Lui, comme tous ses collègues, lui mangeait dans la main. Il suffisait qu'elle lève ses sourcils et qu'un très léger sourire vienne sur ses lèvres pour que tous les hommes dans un rayon de dix mètres se retrouvent langue pendante. Une image bien sûr. Il essayait de résister autant que sa fierté le lui permettait. Toutefois elle lui avait laissé entendre que cela ne durerait pas, il serait bientôt comme les autres et elle le marierait. A la fois vexé de sentir le poids de sa volonté et remué d'être le seul élu, il continuait de maintenir une distance certaine, c'était difficile. Et, comme par hasard, il avait appris par Jennie; une assistante, laquelle acceptait parfois de boire un verre de bière avec lui; que des paris courraient sur sa tête. Ils n'étaient pas à son avantage.
- Oui, Suchai, qu'est ce qu'il y a ?
- Bob, j'ai essayé d'entrer dans ton système parce qu'il semble que tu aies reçu un message d'extrême urgence en provenance du Portugal
- C'est toi ! Est ce que tu ne peux pas t'empêcher de venir mettre ton nez et tes mains pleines de doigts chez moi ? N'as tu pas assez de tes propres affaires ?
Il avait laissé percer l'irritation. Habituellement, comme souvent les Asiatiques le font, elle passait à autre chose et essayait de réduire la tension.
- Bob, ne le prends pas mal, tu n'étais pas arrivé et une procédure d'urgence est arrivée par le telex codé de la police du Portugal. Un flic s'est fait tué dans une zone franche de Porto. En plus c'est mêlé à une entrée de marchandises sur le territoire de l'Union qui serait non autorisée. Dans ce message il est fait référence à toi. Peut être que tu sais pourquoi ?
En quoi est ce que ça pouvait l'intéresser. Suchai ne faisait jamais rien pour rien.
- Attends, tu vas trop vite là. Voilà tu sais ce qu'on fait ? Tu ressors, tu me laisses entrer dans le film, et quand je t'appelle tu reviens, ça marche ?
- OK, 5 minutes. Pas une de plus. Donovan nous attend à neuf et quart précises en salle de réunion.Voilà il te reste 4 minutes et 30 secondes.
Aït Ouali, n'écoutait plus. Il avait tapé dans le code d'entrée de son ordi. Le passe écrit partie en arabe et partie en chinois disait « M.... à celui qui le lira ». Bien sûr la manipulation était un peu complexe. Encore plus quand il était sous pression. Entre Suchai d'un côté et Donovan, le patron des RI, relations internationales, maintenant, de l'autre, il la sentait, la pression.

4 janvier 2006

A TIRE D'AILE - Chapitre 2

Chapitre 2. Dimanche 16 août. 7 heures
Roberto râlait depuis un bon moment dans sa voiture. Encore une fois c'était dimanche. Et encore une fois il devait aller s'occuper de cette viande venue du Brésil. Que des emmerdes, Misère de Dieu avec ces arrièrés et leur viande. Bon, le patron payait bien pour un dimanche, aujourd'hui en particulier, trois fois ce qu'il avait gagné dans la semaine. Roberto n'était pas dupe. Il devait y avoir anguille sous roche avec les Brésiliens. Mais il s'en foutait. L'essentiel était que le travail soit bien fait, que son patron ne lui casse pas les couilles et qu'il y gagne. N'empêche ça le faisait râler. Pourquoi lui. Il y en avait un de plus jeune, l'ingénieur là, fraîchement débarqué de son école. Mais non, quoique de vingt ans plus jeune, c'était lui ce gringalet qui était devenu chef. Roberto malgré ses quinze ans de bons loyaux services restait au « management de la qualité ». Ca le faisait encore plus bouillir. André, l'ingénieur, lui avait expliqué:
- Frigo n° 1 à 6, tu as les viandes de volaille qui sont arrivées du Brésil. Il doit y avoir environ 10 containers à 17 tonnes chacun, ça va te faire environ 6 à 7 heures de travail en préparation.
Comme s'il ne le savait pas hein, ce que ça faisait ?
- En plus avec les trois ouvriers qui n'y connaissent rien, il va te falloir passer un peu de temps sur la ligne et peut être les aider un peu, tu sais.
Bien sûr qu'il le savait. Il était tout le temps sur leur dos à ces abrutis, incapables de distinguer entre une aile et un pilon. Bon les poulets étaient parfois un peu plus gros que la moyenne. Au Brésil tout est comme ça : tout est plus gros, c'est sans limites.
Roberto avait du acquieser. Il n'était pas convaincu que cela devait être fait un dimanche.
- Roberto, tu le sais bien, les nouvelles normes de qualité européennes nous l'imposent. Il n'est plus possible de faire attendre des produits congelés en provenance du Brésil plus de 48 heures.

Le soleil se levait sur les pentes du Douro. Les vignes descendant en pentes raides tout là haut, puis plus doucement à mesure qu'elles atteignaient les bords du fleuve. Il passait là tous les matins. Il n'y a pas de mots pour décrire ce spectacle que Dieu nous a donné à nous les Portuguais se disait-il. L'émerveillement toujours recommencé chaque matinée du printemps à la fin de l'été lui donnait un peu de tonus pour aller au travail. Avec ce sentiment qui gonflait son coeur, il se sentait à nouveau capable d'affronter une demi-journée dans cette atmosphère humide et froide, qui au fur et à mesure, finissait par devenir humide et chaude. Il n'avait jamais été aux bains publics. Il en avait seulement entendu parler. Pourtant, son usine de congélation et traitement des produits congelés était un genre de hammam moderne, sûr. En bas, le fleuve s'étirait mêlant le bleu et le marron sale. Il y avait aussi les odeurs du port, effluves marines légérement salées qui lui arrivaient par sa fenêtre ouverte quand il dominait encore le port. Elles se transformaient rapidement en senteurs nauséabondes, que son nez n'arrivait toujours pas à supporter, mélangeant les fumées des cargos avec celles des usines, le tout à peine refroidi de la journée de la veille et se superposant à toute la décomposition des viandes et des chairs de poissons. Dire qu'il avait lu que des poètes en avaient fait des vers, encore des fous. L'usine était visible depuis l'entrée du port. Il n'y avait personne dans la cage de contrôle des passages ce matin. Un dimanche, tu parles, un vrai moulin le port, tout le monde pouvait entrer, se servir dans un des containers laissés là sans surveillance et ressortir : ni vu ni connu. Son usine était de l'autre côté de l'embouchure, personne ne voulait aller là avant qu'elle y soit construite. L'usine avait été le premier jalon de l'énorme investissement européen qui avait été fait pour mettre en place une zone franche aussi grande que celle de Rotterdam. Depuis d'autres s'étaient installées et cette partie sud de la ville restait un perpétuel chantier. Avec le beau temps c'était supportable et avec ce dimanche ensoleillé, l'océan dans le fond, le Portugal était beau de douce puissance. La zone franche était là pour permettre de transformer des produits arrivés des Amériques sans payer de taxes. Ensuite, une fois adaptés aux normes européennes ils pouvaient être expédiés dans l'Union sans difficultés. Et les taxes seraient payées, le plus souvent à l'arrivée, quand elles étaient payées. Pour la société de gestion du port c'était très profitable.Le seul endroit où les contrôles pouvaient être très stricts c'étaient là où il venait de passer à la barrière éléctronique de passage. Les polices des frontières et les douanes étaient très à cheval sur le respect des procédures. Toutefois, bien informés, ceux qui voulaient établir des traffics, pouvaient certainement faire ce qu'ils voulaient. Roberto, les flics le connaissaient et ils ne le contrôlaient quasiment plus. De temps en temps ils étaient à cran et lui, comme tous les autres, devaient attendre parfois jusqu'à deux heures avant d'entrer dans la zone. Ils fouillaient complétement la personne et la voiture. C'était mesquin.

Ils étaient déjà là. Les vieilles voitures garées devant l'usine flambant neuve de ce côté-ci de l'immeuble faisaient une tâche bien repérable. Le dimanche à cause du peu de travail ici, les équipages restaient sur leurs navires et les quais étaient sans mouvements. Après avoir présenté son passe éléctronique, le portail entourant l'usine d'une double rangée de hautes barres d'acier peintes en blanc s'ouvrit lentement. Une lumière clignotante et une sonnerie prévenaient tout le monde au dedans et au dehors. Il fit le tour et chercha à se garer vers la zone réservée aux containers. Il voulait vérifier combien il y en avait exactement. Une fois sorti de sa voiture, la chaleur le suprit.
Ce qui était troublant étaient les rigoles d'eau jaunes coulant des containers rangés devant les entrées de l'usine et dont l'un était prêt à se mettre en mouvement pour disparaître derrière le sas de décongélation. Les containers devaient être amenés sur un convoyeur qui les faisaient entrer ensuite à une vitesse déterminée par le sas. L'automatisation avait été un point fort de cette zone franche et, en particulier, de cet outil devant lequel il se tenait debout. Le gouvernement de la région avait beaucoup oeuvré, auprès des instutions de Bruxelles, pour que le maximum soit fait dans l'innovation. Cinq ans après une inauguration triomphale, Roberto pouvait voir tous les défauts de construction et de réalisation. Avant de monter dans le bâtiment 6, il voulait vérifier d'où provenaient ces coulées jaunâtres et, qui, de près, sentait la viande faisandée. En avançant entre les grosses boîtes, sur les convoyeurs, il pouvait voir maintenant que les caoutchoucs leur permettant de rester hérmétiquement fermées étaient craquelées régulièrement au niveau des portes. Tous les containers étaient recouverts d'une peinture blanche, qui s'écaillait, et il pouvait voir qu'au dessous l'acier rouillait. Du travail de Brésilien.
Il descendit et se dirigea vers l'escalier de service qui entrait par la zone arrière, celle où les produits congelés devaient être entreposés. Il prit le couloir qui s'ouvrait et au bout monta rapidement les marches de  l'escalier inox. En haut de l'escalier, courrait un chemin de ronde, c'est comme ça que les ouvriers en production l'appelait, qui faisait le tour du bâtiment. Pour les 10 bâtiments de l'usine le même principe de surveillance à partir d'une rambarde élevée avait été retenu. Il avançait vite et presque sans bruit malgré toute cette quantité d'acier. Il descendit vers une des portes où, par la lucarne ronde, il pouvait voir la tête de l'un des ouvriers. Il appuya sur le bouton de contrôle du sas et ils entrèrent. Ils étaient déjà équipés du casque bleu clair au sigle de l'entreprise. Recouverts d'une blouse blanche, d'un masque filtant, ils portaient également des bottes blanches immaculées et des gants en caoutchouc fins. Eux portaient maintenant la seule tenue régulièrement autorisée dans l'enceinte. Et lui... Ils le regardaient sans rien dire. Il leur donna les ordres concernant le déchargement du premier container qui était déjà en place devant le sas.

Il courut à son bureau également poste d'observation et s'équippa de son casque, de sa blouse et de ses bottes. Il enclencha les trois interrupteurs de mise en route et retourna sur la coursive pour arriver avant que les ouvriers ne commencent à poser les premières volailles sur le convoyeur de décongélation. Il arriva devant une énorme armoire grise couverte d'écrans et de boutons poussoirs de différentes couleurs. Il appuya sur les deux champignons bleus qui mettaient en marche l'énorme machine en forme de tour, dans lesquels les volailles seraient chargées, leur température interne, « à coeur » comme le disait cet innocent de jeune ingénieur, étaient normalement autour de -20°C. Elles monteraient dans la tour, lentement, pour être décongelées jusqu'à une température négative de – 10°C. Une fois qu'elles seraient arrivées en haut de cette tour en rotation à la température attendue elles seraient descendues sur un toboggan pour être sorties de leurs emballages brésiliens et remises dans les emballages de pays de destination. C'était une des rares manoeuvres qui ne pouvaient pas être faite automatiquement. C'est celle aussi qui demandait rapidité et adresse. En pleine période de production il y avait près de 90 personnes dans les dix bâtiments en train de faire la même chose et si la production était en trois périodes de 8 heures, il passait à 270 personnes au total. C'était une des raisons pour laquelle cette société avait été tellement subventionnée: elle créait de l'emploi !!! A temps partiel oui, remâchait Roberto et aujourd'hui il fallait se farcir, le mot le faisait rire à propos de poulets brésiliens, cent soixante dix tonnes à quatre. A raison de 5 kg le poulet cela allait faire, 34000 poulets. Pour 180 ou 240 poulets déshabillés et rhabillés par heure cela faisait 141 heures de travail continu !!!! L'imbécile. Qu'est ce qui lui avait pris à l'ingénieur d'annoncer seulement 6 à 7 heures de travail. Roberto n'avait pas fait attention. Il allait devoir téléphoner au directeur, parce que le jeune homme, bien sûr, ne lui avait laissé aucun moyens de le joindre.

Les ouvriers n'étaient pas interessés par ses calculs et avaient commencé à charger la tour de décongélation. Une fois la machine amorcée, le chargement devenait automatique à partir des charriots sortis des containers. Il y avait une interruption à chaque fois qu'un charriot devait sortir les poulets et se mettre dans l'axe du convoyeur. Ils agissaient vite et précisément. C'était peut être possible d'accélerer la cadence ? Il fit le tour de son chemin de ronde pour arriver près de la tour en rotation. Il descendit l'escalier qui était caché par la machine. A ce moment l'air froid envoyé dans la salle de travail s'interrompit. Il regarda un moment étonné en l'air. D'habitude ces interruptions arrivaient en semaine quand toutes les unités travaillaient en même temps. Ca n'améliorait pas les conditions sanitaires de la préparation, mais malgré les efforts de maintenance, réalisés à plusieurs reprises, aucune amélioration n'avait duré plus d'une semaine. En été, pas plus qu'à n'importe quelle autre période de l'année. Sans aide, le seul moyen serait d'interrompre toute l'alimentation des machines pendant près d'une minute le temps que le transformateur perde un peu de sa température élevée puis de tout réenclencher. Et merde... Ils s'étaient tous arrêtés en bas et les yeux levés vers lui, les visages cachés derrière les masques, ils levaient les mains en l'air pour demander quoi faire. Il remonta vers la boîte de contrôle qu'il venait de quitter. En vitesse il poussa l'énorme bouton rouge marqué « arrêt d'urgence » et fonça vers sa cabine pour couper l'alimentation éléctrique.

Heureusement, son collègue l'ingénieur avait pensé à mettre les souffleries froides en action dans le bâtiment depuis vendredi, comme ça les volailles ne décongéleraient pas trop et pas trop vite. Ils allaient perdre un peu de temps mais ce serait tout. Il était en train d'arriver dans son poste d'observation. Un fax arrivait sur sa machine. Il verrait plus tard. Pour l'instant la boîte d'interruption éléctrique. Il abaissa toutes les manettes. Il y eut un grand silence soudain.C'est à ce moment qu'il entendit le tir répété des M16. Il avait fait l'Angola. C'était un son qu'il connaisait et qui lui rappelait la peur, sa peur.

(Tous droits de reproduction réservés. Copyright en cours d'enregistrement.)

4 janvier 2006

A TIRE D'AILE - Chapitre 1

Chapitre 1. Samedi 15 aout 2005. 7 heures.
Le vol de Shanghai à Schiphol d'Air France KLM arrivait à sa fin. L'écran vert et bleu montrait les petits points jaunes qui grossissaient au furr et à mesure de l'approche. Les noms des villes européennes apparaissaient et la flèche pointait peu à peu vers la Hollande. Depuis une heure le couloir de l'Airbus avait été allumé. La distribution du petit-déjeuner avait commencé. La section "Business" était, elle, encore dans la pénombre. Les deux grandes hôtesses blondes étaient penchées du même côté droit vers l'avant, dernière rangée. Elles avaient un masque sur le visage. Et par instant les voisins des deux sièges sur lesquels elles étaient penchées pouvaient voir qu'elles portaient des gants. Il était presque impossible de comprendre ce qu'elles chuchotaient. Un officier approchait, sûr de lui et légèrement poseur dans sa chemise bleu- clair à épaulettes et casquette posée en arrière du front. D'un geste, qui pouvait passer pour celui d'une vieille connaissance, il posa une main caressante sur l'épaule d'une des hôtesses. Surprise, elle se retourna d'un coup. Il recula et avec un soubresaut de l'avion il buta lourdement sur le siège derrière lui. Il réveilla le passager qui jura en chinois. Voyant l'officier il se tut. Ce dernier ne put que se tourner vers lui pour s'excuser.
- Pardonnez moi, Monsieur. Je vous ai bousculé et je souhaite ne pas vous avoir fait trop mal ?
C'était dit en anglais sans accent et avec gravité. L'officier détailla le Chinois dans la pénombre.
Il paraissait jeune, avec des cheveux en brosse, toutefois à y regarder plus précisement il devait bien avoir atteint cinquante ans. Avec ces gens là c'est toujours difficile de donner un âge pensa t il.
Le Chinois se redressa. Son visage mieux éclairé était carré, large en bas, il était coupé par deux lèvres très fines, surmontées de ce qu'on pouvait appeler une moustache. Il venait de mettre sur les nez ces lunettes carrées que les Chinois du Parti Communiste affectionnent. L'officier n'avait pas eu le temps de voir un regard perçant, où les yeux noirs vrillaient son vis à vis.
- Je vous excuse, Monsieur l'Officier. Que se passe t il ? Est ce que mes voisins français ont une affection quelconque ?
Du doigt, il montrait les deux hôtesses toujours penchées sur les sièges de l'autre côté du passage.
- Nous ne savons pas ce qu'ils ont. De plus leur anglais est trop pauvre pour pouvoir comprendre de quoi ils souffrent.
- Si vous le voulez, je peux vous aider. Je parle français très correctement. Je travaille dans une société franco-chinoise.
- Bien sûr, cela nous aiderait. Toutefois... Il hésita.
- Oui ?
- Il est possible que cela soit contagieux et...
- Ne vous inquiétez pas. Avez vous un masque, des gants et une veste que vous pourrez nettoyer dans le cas où ils ... vous me comprenez ?
- Bien sûr, bien sûr...
L'officier avait pourtant l'habitude des situations difficiles de cet ordre. Sa réaction, soit par fatigue, soit parce que l'ascendant du Chinois sur lui était fort, se fit obéissante. Ce passager lui commandait ce qu'il devait faire.
D'un autre côté, se dit il, en envoyant un des hôtesses chercher ce que le Chinois lui avait demandé, cela était du pur bon sens pratique. Elle revint rapidement.
- Voilà Monsieur, cette veste est celle de l'officier de quart. Il est plus grand que vous.
Le Chinois se leva, prit la veste, l'enfila comme une blouse d'opération, mit le masque et les gants. Il s'approcha des sièges où étaient les deux Français.
- Messieurs, je suis M. Chun QUIN, je travaille pour une société franco-chinoise. Je vais momentanément, d'ici l'atterissage, servir d'interprète à ces personnes de l'équipage. Ils ne comprennent pas bien ce qui vous arrive.
D'une voix à peine audible, entrecoupée de sifflements dûs à une respiration difficile, l'homme le plus proche lui parla.
- Nous pensons que nous avons été atteints par la grippe aviaire. Nous étions dans le sud de la Chine à la frontière vietnamienne pour régler ce problème avec des éleveurs. Nous avons tous les symptômes habituels. Plutôt que ....
Il se reposa pour reprendre sa respiration.
- Plutôt que de se poser à Amsterdam, nous demandions aux hôtesses, que l'avion se pose à Lyon. Nous venons d'une entreprise de la région. C'est là que se trouve le centre de traitement des maladies tropicales. Là, ils sauront nous traiter rapidement. Il faut faire vite s'il vous plaît.
La fin de la phrase s'éteignit dans une plainte.
- Plus nous passons de temps ici, dans cette atmosphère confinée, et plus la chance , la malchance augmente de vous infecter.
Le Chinois, le visage sans émotions, se retourna vers l'officier et lui transmit en hollandais qu'il arrivait à parler et pour ne pas affoler les voisins autour d'eux sur  le contenu des paroles du Français.
L'officier hollandais, tout à la surprise de ce que ce Chinois providentiel lui annonçait, ne se rendit pas totalement compte qu'il l'entendait dans sa langue. Le Français lui l'avait remarqué. Il tira la veste du Chinois.
- Qui êtes vous Monsieur QUIN ?
Le Chinois ne répondit pas aussitôt. Il attendait que son message fasse son chemin dans l'esprit des deux hôtesses et dans celui de l'officier poseur. Celui ci partit en courant vers la cabine de pilotage. Les deux femmes, elles ne savaient plus que faire. Elle se tenaient toutes deux dans le passage sans bouger en regardant avec effroi les deux passagers qu'elles avaient cotoyés pendant tant de temps.
A nouveau la voix du Français parvint comme un chuchotement
- Qui êtes vous Monsieur QUIN ?
Lentement, celui-ci se pencha vers son interlocuteur. D'une main, il lui tendit une petite carte en plastique. Seul le Français put voir cette carte. Les caractères chinois ne provoquèrent aucune réaction chez lui. Quand les initiales en lettres romaines lui apparurent clairement, il écarta les yeux. Il hocha la tête lentement. Puis il se tourna vers son compagnon à droite. Celui-ci respirait encore plus difficilement. Avec la faible lumière du jour qui montait peu à peu , à travers le hublot, les goutelettes de sueur qui coulaient sur son front étaient bien visibles. Le Français se tourna à nouveau vers le Chinois.
- Monsieur QUIN, si vous êtes bien la personne que je pense, alors faites que le nécessaire soit fait s'il vous plaît. Vous, vous savez...
Il s'appuya à fond contre son dossier et toussa faiblement. Monsieur QUIN, prit deux coussins sur son siège et les disposa derrière la tête du malade. Il baissa les deux sièges autant que possible. Puis il s'assit sur le rebord de son siège. Il attendait que l'officier revienne avec des nouvelles et en attendant semblait réfléchir.
La voix du commandant se fit entendre dans les haut parleur. Elle était vacillante et trahissait l'inquiétude, comme disent les journalistes quand ils rapportent leurs impressions, pensa Monsieur QUIN.
- Mesdames, messieurs, ici le commandant qui vous parle. Suite à un cas d'urgence à bord, nous avons l'accord des autorités aériennes françaises pour nous poser d'urgence à l'aéroprt de Lyon Saint Exupéry.Ce contretemps prendra le moins de temps possible et nous permettra d'arriver à Schiphol avec moins de 10 minutes de retard. Les passagers en correspondance seront attendus. Je souhaite que vous compreniez que c'est un cas d'urgence.... sanitaire qui nous met dans cette situation. Je vous présente mes excuses. Une fois que le petit déjeuner sera servi, les hôtesses passeront dans les rangées pour relever le nom de ceux d'entre vous qui ont une correspondance depuis Schiphol. Bon déjeuner et bonne fin de voyage mesdames et messieurs.
Tous pouvaient sentir dès la fin de sa phrase que l'avion avait déjà amorcé sa phase de descente. Dans une lente rotation, le soleil qui apparaissait maintenant au dessus des Alpes passait de droite à gauche. En levant les yeux vers la carte, le point représentant Schiphol avait été remplaçé par Lyon, qui sans doute pas enregsitré dans l'ordinateur de bord, était représenté par une croix au pied des Alpes.
L'avion se posa, dans le gris matin lyonnais. Une ambulance vint se ranger à l'avant de l'appareil. La porte de secours avant droite fut ouverte avec rapidité. Deux infirmiers couverts de vestes blanches et de parka gris, se précipitèrent vers les sièges en question. Ils prirent le premier malade et dans un seul geste le soulevèrent. Ils l'amenèrent sur le portique devant la porte. Il le posèrent sur une civière, invisible des passagers. Ils reproduisirent la même scène avec l'autre malade. La porte se referma. Tout le mouvement avait à peine duré plus de trois minutes. C'est ce qu'avait chronométré Monsieur QUIN. Quelques minutes encore et l'annonce était faite que l'avion allait décoller. Monsieur QUIN eut le temps de voir par le hublot l'ambulance qui filait sur l'autoroute au moment où l'avion passait au dessus d'elle. Des motards escortaient le véhicule. L'avion s'élevait toujours. Il était 8:15.
(Tous droits de reproduction réservés. Copyright en cours d'enregistrement.)

Publicité
Publicité
Publicité