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NOUVELLES VERTES
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14 janvier 2006

A TIRE D'AILE - Chapitre 3 -

Lundi 17 août. Lyon, 8 heures.
L'inspecteur Mohamed Robert Aït Ouali, plus facilement appelé par ses collègues depuis son séjour au commissariat de l'Ariane à Nice, « Bob », était en train de fumer dans sa voiture. Il n'aimait pas fumer, il n'avait jamais aimé sentir la fumée des cigarettes, encore moins dans une voiture. Pourtant, depuis qu'il était arrivé, un an plus tôt, à Lyon, il avait pris l'habitude de laisser un paquet de cigarettes prêtes à être fumées. C'était ça ou s'acheter un char pour pouvoir venir tranquille depuis son appartement d'Ecully jusqu'à Saint Cyr, siège de la délégation d'Europol en France dans l'immeuble d'Interpol, de l'autre côté de la Saône et visible de puis la montage où était son immeuble. Il n'y avait à vol d'oiseau que cinq kilomètres tout au plus. En char et en écrasant ceux qui le gênaient il pouvait mettre, quoi ?
A combien ça roule un char avec des obtsacles sur sa route? Moins de 50 kilomètres heure sûrement. Que de voitures écrasées sous le Tunnel de Fourvière. Ce rêve éveillé, il l'avait fait plusieurs fois depuis qu'il était venu rejoindre la section « Criminalité d'origine asiatique » d'Europol et pour se calmer il avait d'abord écouté la radio, c'était insipide, puis ouvert la fenêtre, horribles fumées d'échappement, puis empesté comme les autres, allumé une cigarette et l'habitude était venue.
Il mettait la radio, ouvrait la fenêtre et commençait une cigarette, dans cet ordre. Il savait alors combien de temps il allait encore souffrir dans l'embouteillage interminable qu'il devait affronter. C'était son copain de bureau, le Croate Vaclav, qui les ramenait de son pays. Elles parfumaient l'habitacle. Et ce matin encore, il se demandait pourquoi il n'avait pas pris le métro. Comme le lui répétait sans cesse le gardien de son immeuble, maintenant que le métro arrivait à Ecully, il fallait en profiter. Quand il était arrivé dans cette grande ville marriant le modernisme à l'influence gauloise, il avait pris le métro avec enthousiame. Depuis, comme tous les "vrais" Lyonnais, il ne comptait plus les journées perdues pour cause de grève impromptue, dues à l'agression d'un chauffeur ou de dégradations empêchant le métro d'arriver jusqu'à la prochaine station. Il était intervenu une fois auprès de jeunes beurs en leur faisant remarquer qu'il payait son ticket et que ça comprenait le transport et pas la musique. En arrivant au terminus, il avait dû courir pour échapper à la bande de minus habens soudainement sortis de plusieurs couloirs à la fois avec leurs battes de base ball. Il avait dû son salut à un vieil arabe portant le hadj qui avait apostrophé un des leaders en lui expliquant que de vouloir frapper un flic, il avait dit flic, lui mettrait Allah sur le dos jusqu'en Enfer. Il aurait pu dire: « Par Allah, sauvé ». Il n'avait pas osé. Il n'avait pas pu retrouver ce vieil homme pour le remercier.
Un concert d'avertissements venait de débuter et ça voulait dire qu'il devait avancer. Oui, la bretelle sortant de Fourvière pour partir vers les quais de Saône était libre. Il s'engoufrait sur cette route en colimaçon et même à moins de cinquante kilomètres heure, il serait quand même à l'heure au bureau. Un lundi matin, le travail n'était jamais très lourd. A croire que depuis qu'il était à Europole, les gangsters venus de l'est de la Méditerranée étaient eux aussi au repos le week end.
L'immeuble d'Europol est sans âme. Une grande cage de verre bleutée qui s'élève sur plusieurs étages et qui est posée, Kaaba immobile au bord du fleuve. Aux quatre faces de verre sans aspérités aucune, il voyait une métaphore de la police européenne: lisse, sans angles aigus, bleue. Le message était : « Si vous pouvez voir des fonctionnaires de police travailler pour vous, alors ils peuvent vous voir ». En garant sa Lancia turbo, âgée de près de dix ans maintenant, il se demandait si d'autres policiers comme lui, arrivant de leurs polices respectives s'étaient déjà essayés à cette comparaison de la tour de verre et de l'impossibilité qu'ils avaient de faire autre chose que de voir ce que devaient être les actions à mener. Après avoir présenté son badge devant l'ascenceur et regardé bien en face la caméra de reconnaissance, il sentait pour la centième fois au moins, ce vertige qui l'avait pris quand le commissaire principal de Marquis, à Nice, l'avait appelé dans son bureau.
- Alors, Aït Ouali, vous avez décidé de partir rejoindre ces tire-au-flanc, ces planqués d'Europol, je lis sur ce courrier, humm ?
- Chef j'en ai marre de ne pas pouvoir grimper. Après tout ce temps passé ici à résoudre des problèmes d' assistante sociale.
-Aït Ouali, celui dont vous ne voulez pas parler en clair, moi autrement dit, ce petit monsieur il va se casser d'ici vite fait bien fait un de ces quatre matins. et vous pourrez prendre ma place.
- Chef, sauf votre respect, je m'en fous.
Il y avait eu un silence. Il ne fallait pas franchir les espaces trop vite avec de Marquis. Il avait ausculté son inspecteur. Il avait pris un moment. Et éclaté de rire. Un rire tonitruant, une cascade. Les larmes aux  yeux, il avait repris.
- Ca me fait marrer, vous entendez ce que je dis, ça me fait marrer, de m'imaginer la tête de votre confrère, et néammoins ennemi sans retour, là bas à Montpellier, quand il va apprendre que vous allez vous retrouvez si haut. Ca au moins il ne pourra rien y faire. Bien joué, Aït Ouali.
Il s'était repris.
- Souvenez vous quand même, que ce machin, même si c'est le centre de la police européenne, il ne peut rien faire, eux dedans ils ne peuvent rien faire, rien de rien. C'est à dire, rien, sans nous.
Le commissaire principal de Marquis, fidèle serviteur de l'Etat, d'ascendance nobiliaire démontrée, flic de père en fils depuis l'arrivée de Fouché aux côtés de Napoléon, supportait mal l'idée qu'un jour, peut être, il y aurait une police au dessus de la sienne.
- Chef, tant que ce sont des Arabes comme moi qui se retrouvent là, vous savez bien que vous n'avez rien à craindre pour l'autorité de la police française, hein ?
Il regarda à nouveau, ses yeux noirs brillaient avec une lueur d'éclair. Il renifla et sourit.
- Aït Oulai, vous êtes un bon, sans doute très bon flic, teigneux, perspicace, et donc efficace. Courageux à certains moments. Vous verrez vous allez vous emmer.... là bas.
Il n'avait pas voulu prononcer le mot de Cambronne en entier.
Au sixième étage, la division « Police scientifique », du département « Relations internationales ». Le bureau de Aït Ouali, se trouvait face à la Saône coincé entre celui de ses collègues traitant des affaires d'Europe Centrale et celui des affaires Africaines. Il se demandait si son ancien patron n'avait pas eu raison tous comptes faits. Les bureaux, disposés autour d'une grande plateforme, qui regroupait le pool des assistantes multilingues, formaient un cercle sur une surface carrée, encore une métaphore de la police européenne, de la démarche européenne depuis son début, sans doute. En tous les cas, cela donnait à certains bien moins d'espace que leurs voisins. Il avait hérité d'un de ces petits espaces. Quoique responsable des affaires criminelles d'origine asiatique, et donc représentant à priori près du tiers de la population de la planète, ici il pesait moins que l'Afrique ou que la Pologne. C'était grâce à sa maîtrise de plusieurs langues asiatiques, c'est à dire vu de Bruxelles, de nombreuses langues parlées à l'est de la Grèce, qu'il avait pu être séléctionné à ce poste qui venait d'être créé. Il était à même de parler et d'écrire, outre les langues européennes habituelles, l'arabe et aussi le turc, l'ouzbek. Ses connaissances s'étendaient et s'arrêtaient au dialecte japonais des Ainu dans le Nord du Japon. Il avait toujours eu des facilités avec les langues et c'était devenu un hobby. En arabe, à cause des nombreuses variations dialectales, il avait pu sans difficultés acquérir des tons qui lui avaient servi ensuite dans son apprentissage des diffèrentes langues chinoises parlées à la fois sur le territoire principal et chez les populations des diasporas.
Parfois, bien sûr, il faisait des erreurs, des séminaires et des conférences avec des collègues au Maroc, en Tunisie et au Liban étaient là pour les lui rappeler. Il s'étaient faits aussi des amis, à la vie à la mort, là bas et, ça allait avec dans ses pays, des ennemis pour la vie. Pour ce qui concernait les cultures de tous ces gens, c'était un rocher de Sisyphe, plus il avait le sentiment d'apprendre et moins il comprenait. Poussant la porte de son bureau, sur laquelle était accroché une plaque où avait été gravés " M. Mohamed Robert Aït Ouali. Inspecteur. Police Scientifique Européenne. Département Relations Internationales. Pays Méditerranéens et Asiatiques", la fierté montait en lui à nouveau. Il était regonflé pour la journée. Son bureau, dont la surface au sol représentait deux cônes applatis, opposés par la pointe, il avait essayé de le décorer de la même manière que son héros Philip Marlowe. Tout un pan de mur était couvert de photos, articles de journaux en voie de jaunissement, certificats et de ses quelques diplômes encadrés à pas cher. Sa table était sorti d'un grand magasin suédois parce que celle réglementaire qui lui avait été assignée ne correspondait pas à l'idée qu'il se faisait de lui même. Elle était en bois massif et tellement lourde à déplacer que les employés de la maintenance avait renoncé à la faire disparaître.
Sa surface était vide. Le vendredi soir , il avait pris l'habitude de mettre, rangé ou en vrac, tous les dossiers encore en suspens dans un tiroir à droite. Il voulait donner le change. Un flic travailleur, rangé, qui a tout dans la tête et qui raisonne comme un ordinateur. La machine était là, elle, trônant au milieu de cette table, grise argentée, ouverte alors qu'elle aurait dû être fermée. Il s'assit après avoir accroché son blouson à l'unique patère derrière la porte. L'écran était déjà allumé et il restait à taper son code d'entrée dans le système.Le collègue intrus n'était pas arrivé à le faire. Bien du plaisir à celui qui serait capable de trouver un code d'entrée en arabe ancien et en chinois. Il grinça des dents. Qui avait essayé d'entrer dans sa machine ? Il devait savoir. Un coup à la porte. Avant que le mot "entrez !" ne soit sorti de sa bouche, la porte s'était ouverte et celle qui avait essayé de lire dans son appareil, il en était sûr, entrait. C'était sa collègue thailandaise. En la voyant maintenant sa conviction s'affirmait .Lui, comme tous ses collègues, lui mangeait dans la main. Il suffisait qu'elle lève ses sourcils et qu'un très léger sourire vienne sur ses lèvres pour que tous les hommes dans un rayon de dix mètres se retrouvent langue pendante. Une image bien sûr. Il essayait de résister autant que sa fierté le lui permettait. Toutefois elle lui avait laissé entendre que cela ne durerait pas, il serait bientôt comme les autres et elle le marierait. A la fois vexé de sentir le poids de sa volonté et remué d'être le seul élu, il continuait de maintenir une distance certaine, c'était difficile. Et, comme par hasard, il avait appris par Jennie; une assistante, laquelle acceptait parfois de boire un verre de bière avec lui; que des paris courraient sur sa tête. Ils n'étaient pas à son avantage.
- Oui, Suchai, qu'est ce qu'il y a ?
- Bob, j'ai essayé d'entrer dans ton système parce qu'il semble que tu aies reçu un message d'extrême urgence en provenance du Portugal
- C'est toi ! Est ce que tu ne peux pas t'empêcher de venir mettre ton nez et tes mains pleines de doigts chez moi ? N'as tu pas assez de tes propres affaires ?
Il avait laissé percer l'irritation. Habituellement, comme souvent les Asiatiques le font, elle passait à autre chose et essayait de réduire la tension.
- Bob, ne le prends pas mal, tu n'étais pas arrivé et une procédure d'urgence est arrivée par le telex codé de la police du Portugal. Un flic s'est fait tué dans une zone franche de Porto. En plus c'est mêlé à une entrée de marchandises sur le territoire de l'Union qui serait non autorisée. Dans ce message il est fait référence à toi. Peut être que tu sais pourquoi ?
En quoi est ce que ça pouvait l'intéresser. Suchai ne faisait jamais rien pour rien.
- Attends, tu vas trop vite là. Voilà tu sais ce qu'on fait ? Tu ressors, tu me laisses entrer dans le film, et quand je t'appelle tu reviens, ça marche ?
- OK, 5 minutes. Pas une de plus. Donovan nous attend à neuf et quart précises en salle de réunion.Voilà il te reste 4 minutes et 30 secondes.
Aït Ouali, n'écoutait plus. Il avait tapé dans le code d'entrée de son ordi. Le passe écrit partie en arabe et partie en chinois disait « M.... à celui qui le lira ». Bien sûr la manipulation était un peu complexe. Encore plus quand il était sous pression. Entre Suchai d'un côté et Donovan, le patron des RI, relations internationales, maintenant, de l'autre, il la sentait, la pression.

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