Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
NOUVELLES VERTES
NOUVELLES VERTES
Publicité
Archives
Derniers commentaires
24 janvier 2006

A TIRE D'AILE - Chapitre 5 -

Lundi 17 août. Porto, 17 heures.
Le Français qui était assis en face de lui avait un type prononçé d'Arabe: cheveux bouclés, très bruns, presque noirs, peau mat, sourcils noirs fins, yeux légèrement en amandes, pommettes hautes, nez plutôt fin pour un... et menton triangulaire. Il avait une barbe mal rasée. Son visage avait cet aspect sale qu'il détestait chez tous ces gens là. Comment est ce qu'il pouvait être français? C'était un mystère pour Roberto. Il s'était passé beaucoup trop d'événements depuis dimanche pour que lui Roberto puisse comprendre vraiment pourquoi il se retrouvait en face de ce flic. Un flic français d'origine arabe. Ses cousins lui avaient dit que tout foutait le camp en France. Il avait préféré rester chez lui. Et voilà que maintenant ils venaient jusqu'ici ces demi français. Depuis l'attaque de dimanche, il avait tourné et retourné dans sa tête des idées, sans toutefois arriver à trouver des liens.
Il s'était réveillé avec un bras suspendu à une potence, une douleur au côté gauche quand il respirait, et du mal à rester longtemps allongé dans la même position. Heureusement qu'il n'y avait personne pour pleurer à ses pieds. Il n'aurait pas supporté. Il s'était souvenu par bribes de ce qui était arrivé. Il avait recoupé avec les informations de la police de l'immigration et pourtant il n'avait rien voulu dire. Les douaniers, avaient été un peu plus perspicaces. Ils avaient repéré les containers qui coulaient, eux, ils ne l'avaient pas coincé pourtant. Et puis personne n'avait heureusement pensé à lui demander ce que ce morceau de fax qui était arrivé au moment de l'arrêt des ventilateurs et resté bien en évidence sur la machine, pouvait vouloir dire. Seul, ce type semblait avoir suspecté quelque chose. Il ne pouvait pas être allé très loin pourtant. Ses collègues à l'immigration et à la douane, qui avaient pris cette attaque pour un vol ou un détournement de marchandises, avaient malgré tout informé Europole. Il y avait un flic qui était mort et un des employés du matin sérieusement blessé. C'est ce qu'il avait interprété des diffèrents interrogatoires qu'il avait subis depuis sa reprise de conscience. Dans ces cas là, normal, les flics se serraient les coudes. Il avait appris que les scellés avaient été posés sur l'unité de fabrication parce que son patron était passé le voir ce matin. Il lui avait fait comprendre que le plus tôt il serait rétabli et le mieux ce serait pour tout le monde et qu'il n'y perdrait pas. Tous des sangsues. Ca l'avait retourné. Et maintenant ce flic à tête de bougnoule qui venait encore l'interroger avec un accent portuguais inimitable. Vraiment la totale.Qu'est ce qu'il lui voulait encore ?
- M. Da Silva, vous avez appelé les services de police de Porto et pas les services de la police de sécurité ni ceux de l'immigration ou des douanes, est ce que vous pouvez vous souvenir pour quelle raison. Il devait y avoir une raison plus grave que d'habitude n'est ce pas ?
- Oui, Monsieur l'officier, il y avait que, quand ça a commencé à canarder, c'était à l'intérieur que ça se passait et c'était deux hommes en cagoules avec des fusils d'assaut qui tiraient.
- Et où étaient-ils situés ces deux hommes ?
- Monsieur l'officier, je suis fatigué de répeter toujours la même chose. Je l'ai déjà expliqué aux autres policiers plusieurs fois.
- Monsieur Da Silva, vous avez compris que je viens d'Europol parce qu'il y a un collègue qui est mort et que d'autre part ça touche sans doute un trafic de produits alimentaires dans l'Union. C'est pour ça qu'ici la police a fait appel à moi. C'est pour ça que j'ai besoin de votre aide.
- Ils étaient du côté des stocks frigorifiques. Mais ce n'est pas possible.
- Qu'est ce qui n'est pas possible ?
- Ce n'est pas possible qu'ils y étaient parce que mon collègue, le jeune ingénieur, m'avait prévenu qu'il pousserait les systèmes à fond dès le vendredi pour que nous puissions travailler tranquilles dimanche matin. Ils seraient morts et congelés s'ils avaient été là.
- Alors d'où venaient ils à votre avis ?
- Ils sont entrés par derrière comme moi un peu plus tôt.
- Est ce vous qui les avez laissé entrer ?
- Pour me faire tirer dessus ensuite ? Vous êtes fou ?
- Monsieur Da Silva, me prenez vous pour un flic français à tête d'arabe et fou ou seulement pour un con ? Vous et moi nous savons que les stocks frigo sur la plus grande partie des zones franches, ici dans le Sud ne fonctionnent pas correctement. Encore plus quand c'est le week end. Et c'est bien pour ça qu'elles existent ces zones, c'est parce qu'on peut y traffiquer comme on veut les week end. Il n'y a pas de contrôle sanitaire le week end, hein ?
- Oui, vous avez peut être raison. Mais ça ne se fait pas chez nous.En plus cette fois-ci il y avait un déchargement important de poulets du Brésil qui est arrivé presque en même temps que d'autres de Thailande que nous n'attendions pas aussi vite. C'est pourquoi mes collègues ont poussé la température des frigos à fond pour être le plus froid possible. C'est pourquoi je vous le dis encore une fois ces types ne pouvaient pas sortir de là. Impossible.
- Et s'ils étaient sortis non pas de ce stock frigorifique mais du stock des emballages. Ca se trouve à côté ou au dessus non ?
Roberto fixa le flic français un moment. Ce type était dangereux. Il réfléchissait vite, il avait déjà des idées en tête. Ca le rendait perspicace.
- Oui, et qu'est ce que ça aurait changé à votre avis ?
- Monsieur Da Silva, je ne sais pas ce que cela aurait changé. Je n'ai pas passé beaucoup de temps à votre usine. Mais je me dis que votre usine étant certainement comme celles que j'ai déjà visitées, ce serait certainement logique qu'ils se soient embusqués là.Qu'en pensez vous ?
Roberto eut un mouvement des paupières et son visgae perdit quelques couleurs. Il sentit un creux s'ouvrir dans son estomac et la bile remonter très vite. Une envie de vomir l'étreignit quelques secondes. Ce flic français allait vite. Trop vite. D'ici quelque temps, lui, aidé des autres flics, il allait trouver les raisons de cette fusillade. Il trouveraient peut être, comme lui, une partie de l'iceberg. En attendant, cela ne profiterait plus à pauvre Roberto, se dit-il.Le plus important maintenant c'était d'être très prudent dans ses réponses, de se souvenir de l'essentiel de ce qu'il avait découvert et de n'en rien dire jusqu'au bon moment.Il avait bien fait de prendre le temps de tout enregistrer sur des CD et pas sur son ordinateur. Ces disques de plastique étaient une assurance-vie maintenant. Il s'en était rendu compte dimanche.
- Bon, Monsieur Da Silva, je vais aller la faire cette visite à votre usine. Je reviens vous voir quand j'ai terminé. Portez vous bien.
Il utilisait la formule espagnole qui sonnait à ses oreilles comme une mise en garde. Exprimée dans un sourire, il ne semblait y avoir aucun sens caché.
- Ah Monsieur Da Silva, quoique j'ai toutes les clés, mes collègues m'ont dit qu'il y avait un ordinateur dans votre bureau. Ils l'y ont laissé. En général il y a un mot de passe sur ces machines. Est ce que vous pourriez me le confier ce mot ? L'ingénieur que nous avons contacté nous a prévenu que vous l'aviez modifié il n'y a pas longtemps. Lui non plus n'a pas pu entrer dedans ce matin.Vous arriveriez à vous en rappeler là maintenant ?
Un vrai serpent ce type, il te regarde en balançant sa tête et il t'attaque sans que tu vois le coup arriver.
- Heu, Monsieur l'officier, le mot de passe est collé à l'intérieur du troisième tiroir à droite sur le fond. Si vous passez la main vous le sentirez. C'est un peu difficile à redire comme ça.
- Monsieur Da Silva, je vous comprends. Moi au bureau j'ai modfié le mot de passe de mon ordinateur aussi. Maintenant il est en arabe et en chinois et je serai incapable de vous le donner si vous me le demandiez. A tout à l'heure.
Quand l'inspecteur Aït Ouali sortit de la chambre, Roberto s'enfonça dans son lit en grimaçant. Il fit une courte prière à son saint patron. Si cela pouvait lui faire du bien, cela ne pouvait pas lui faire de mal. Il s'estimait heureux de ne pas avoir de famille à faire vivre. Il pouvait disparaître sans faire de malheureux autour de lui. Là, en ce moment, il ne voulait pas payer pour d'autres. Il voulait profiter de sa chance, enfin et gagner, gagner et gagner encore, plus que jamais il n'avait imaginé.Ce n'était sûrement pas un flic franco-arabe qui allait l'en empêcher.Ni des gros bras mal embouchés avec des M16 au bout des bras.
La porte refermée derrière lui, Aït Ouali se tourna vers son collègue portugais André Da Costa. Il lui sourit.
- André, merci d'avoir insisté pour que je vienne ici. A Lyon, ils n'étaient pas chauds, tu sais. Il leur manque toujours dix cents pour faire un euro. Surtout quand il s'agit de nos voyages. Et ils dépensent des millions pour modifier un système informatique qui va être piraté dans la minute qui suit son lancement.Ce type n'est pas franc, André, il me semble que ça ne sent pas bon. Qu'est ce qu tu en penses toi ?
André, grand, blond-roux, yeux bleux, visage glabre et rond, souriant en permancence était l'antithèse vivante de ce qui pouvait être vu comme un flic portuguais bon teint. Il avait fait ses études à Toulouse et à Bordeaux à l'école de police avec Aït Ouali. Une fois reparti au Portugal, il était resté en contact avec son condisciple. Sans être un ami, ce dernier était une relation sûre en France. Sa confiance avait été bien placée, Aït Ouali était maintenant à Europole. Lui aussi était monté en grade. Il était un bon flic et il avait su cultiver ses relations françaises. Avec les deux derniers changements politiques au Ministère de l'Intérieur, le rapprochement des polices dans Shengen, cela lui avait servi.
- Oui, ça nous a paru étrange qu'il appelle un voisin flic sur son portable, qui se trouve être de ma brigade, plutôt que ceux de la zone. Ceux du port n'avaient rien vu ni entendu quand nous sommes arrivés. Si tu regardes la main courante du poste de contrôle, à part Roberto et ses ouvriers, personne n'est entré avant lui, ni après lui, ce dimanche. D'autre part qu'est ce que pouvaient faire des types dans une usine frigorifique avec des M16 dernier cri et silencieux ?
- C'est un règlement de comptes à ton avis ?
- Si c'est un règlement de comptes, il a été mal organisé, ou alors ça a un rapport avec ce type et avec son entreprise. Pour moi, c'est un trafic international, c'est pour ça que je t'ai passé tout ça. Les méchants ont disparu, pas de traces, pas de voitures, pas d'hélicos à la James Bond, rien et un copain de l'immigration sur le carreau. C'est trop pour nous, trop pour moi.
- J'ai pu lire vite fait que cette entreprise travaille avec de nombreux fournisseurs étrangers hors de l'Union du Mahgreb à la Chine en passant par le Brésil et qu'elle fournit toutes les plus grandes sociétés de commerce et de distribution en Europe. Vous autres, les Portuguais, vous avez toujours eu le sens du commerce lointain. Mais quand même, de la volaille, hein, des poulets, ça me dépasse. Pas de drogue, là, rien, hein ?
- Non, Bob, tu verras, il n'y a pas de drogue. Nous n'avons rien bougé, tu pourras voir par toi même.
- Est ce que c'est une usine comme toutes les autres ? Des sas d'entrée, des stocks frigos et des convoyeurs dans des salles blanches ? Je ne suis pas allé voir celle là. Mais Roberto lui a un peu bronché quand je lui ai parlé des stocks de cartons. Il a cru que j'y étais allé.
- Oui, nous avons préféré ne rien toucher trop vite. Autrement, comme le patron est une huile, il aurait vite fait de faire savoir à mes chefs que nous devons balayer en partant. Oui, il doit y avoir un stock de cartons à côté des frigos, si je me souviens bien.
- Et il est où le patron ?
- Eh, Bob, ici la zone c'est un endroit où les flics sont persona non grata. Pour y entrer hier, c'était moins difficile parce que il y avait du grabuge. Mais ce matin l'indépendance du commerce avait repris ces droits. C'est franc de taxes et ...de flics.
- André, emmène moi là bas que je me rende compte. C'est moi le type de la police scientifique. Je suis certainement capable de trouver un fil conducteur qui ne gênera pas le patron de cette entreprise tout de suite.
(Copyright en cours. Tous droits de reproduction réservés)
JNR

Publicité
Publicité
Commentaires
Publicité