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NOUVELLES VERTES
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17 janvier 2006

A TIRE D'AILE - Chapitre 4 -

Chapitre 4. Lundi 17 août. Rotterdam, 15 heures.
- Ni hao, Chung Quin
- Ni hao ma, Hung Shi Wa
- Alors, comment ça va vieux frère ?
- Bien, grand frère né avant moi, je suis le dragon qui s'élève dans les airs et suit de son feu les étranges esprits.
- Continue comme ça et je t'aligne pour discours rétrograde. N'es tu pas fatigué de te retrouver dans des commissariats au fond de campagnes éloignés dans notre bien aimé pays ?
- Humm...
Chung Quin, ne cherchait certainement pas à se souvenir. Ici dans cet immeuble au milieu de Rotterdam, les canaux passant en bas, les vélos roulant sans hâte, il pouvait cependant sentir la force croissante de ses frères chinois. D'où qu'ils viennent, quoiqu'ils puissent faire, quoiqu'ils puissent croire, ils participaient peu à peu à l'éclosion de la puissance chinoise.Ce n'était donc pas le moment de se souvenir des erreurs passées, les siennes comme celles de ses chefs. Aujourd'hui, il avait une mission et pour le bien de ses compatriotes, de ses camarades, il devrait l'assurer.
- Dis moi, Hung, comment vont vos affaires ?
- Très bien, très bien, depuis que nous avons déplacé notre bureau de Amsterdam à Rotterdam, nous n'avons eu qu'à nous en féliciter. C'est ici que ça se passe Chung.
- Qu'est ced qui marche le mieux alors ?
- Tout marche comme nous voulons, même le négoce des hydrocarbures commence à rapporter, est ce que tu te rends compte ?
- Qu'est ce que tu veux dire ? Nous avons besoin de pétrole non ? Nous en manquons !
- Eh là grand frère, ne t'emballe pas, toutefois, Chun, ce n'est pas parce que tu as besoin d'un produit que tu ne peux pas gagner de l'argent dessus, non ?
- De la spéculation, c'est ça ?
- Enfin, écoute, Chung, nous avons suivi les mêmes cours à l'Académie des finances de Shanghai et le MBA à EM Lyon, et tu parles encore de spéculation ? Vraiment du me déçois.
- Hung, tu sais bien que tu as toujours été meilleur que moi dans les études et particulièrement en réthorique.C'est ce qui explique que je m'occupe d'assurance. D'une certaine façon. Je comprends mieux. Il y a un bien, il est assuré, il disparaît, soit je le retrouve, soit je ne le retrouve pas, et dans un cas comme dans l'autre le client assuré perçoit une partie de la valeur de ce qu'il a vu disparaître. Ca dépend seulement de la façon dont il est assuré ou dont je retrouve le bien en question. Rien de bien génial et en tous les cas à ma portée. En plus c'est honnête comme travail.
- Chung, es tu en train de me dire que je suis malhonnête ?
- Non, Hung, je te connais. Tu ne l'es pas. Et puis nous sommes frères sinon de sang, au moins de clan. Reconnais quand même qu'autour de toi il peut y avoir des brebis galeuses, non ? Est ce que tu as négocié des volailles venues du Brésil récemment ?
- C'est donc ça, tu es encore Chinois, ne pouvais tu pas m'écire tout ça par Internet ? Il fallait que tu viennes ? L'air de l'Europe c'est ça ? Cest le parti, le clan ou ta grande société d'assurance qui a besoin d'un coup de main invisible ?
- Tu es très rapide, et très perspicace. Oui, j'ai besoin d'un peu d'aide.
Puis Chung passa au cantonnais des régions du delta, un cantonnais décadent comme l'expliquaient à longueur de temps ses collèges au travail, et pourtant le seul qui lui permette de faire comprendre rapidement et sans efforts à Hung ce qu'il venait chercher. Une grande entreprise étrangère installée depuis quelques années en Chine avait passé un contrat avec un des nombreux producteurs chinois de toutes sortes de matières premières agricoles. Cette entreprise étrangère avait investi dans une, puis deux, puis plusieurs usines pour transformer ses matières en produits consommables. Ensuite chacune de ces usines, avaient passé des accords avec des entreprises de négoce, chinoises ou étrangères, pour vendre ces produits devenus alimentaires tant en Chine qu'à l'étranger. De ce fait, à cause de la vente à l'étranger, les usines bénéficiaient de tarifs préférentiels dans leurs investissements puisqu'elles exportaient. Les entreprises de négoce, étaient à plusieurs niveaux, liées par le capital avec l'entreprise étrangère. Elle se retrouvait ainsi au centre d'une toile tissée grâce aux lois chinoises, elle payait les taxes et les impôts régulièrement. Elle était de plus assurée et ses filiales ou partenaires, auprès de la société d'assurance des marins chinois, le nom de l'entreprise de Chung. Tout cela fonctionnait depuis plus de quinze ans, un contrat pratiquement aussi vieux que la société d'assurance d'Etat. Depuis bientôt trois ans les sinistres dus à des disparitions de marchandises sur le sol chinois, et après départ vers les destinations lointaines, étaient en augmentation.Les primes payées en remboursement avaient donc augmenté. Elles s'étaient élevées au départ à quelques centaines de remimbi, puis avec le temps étaient passés à quelqes milliers. L'année passée le total des remboursements avait atteint le total des deux années précédentes. Chung, surnommé dans l'entreprise, le « célebre inspecteur Chung », parce qu'il avait une réputation de flic qui le précédait, avait été chargé de trouver ce qui n'allait pas. Avec son équipe, il avait repris toutes les expéditions de chacune des usines puis de chacune des sociétés de négoce. C'était un travail qui n'était pas encore terminé. Il y avait une récurrence dans les procédures de certaines ventes domestiques et export. Ces procédures de vente provoquaient immanquablement des accidents, irréparables, au dire des experts envoyés sur place et impliquaient que son entreprise rembourse. Depuis le début de l'année, un nouveau facteur intervenait: toutes les expéditions à risque concernaient des volailles.
- Ca a à voir avec le SARS c'est ça ?
L'interrompit Hung. Chung sourit. Ils étaient arrivés à la même conclusion. Avec ses collègues, ils étaient allés visiter les lieux de production des dites volailles. Malheureusement si certaines des productions sortaient des régions touchées par cette maladie, beaucoup d'autres n'en n'étaient pas issues. Les volailles sorties des zones de l'épidémie ne représentaient que trente pour cent des expéditions litigieuses. Ils étaient ensuite aller visiter les usines de transformation. Il y en avait cinq. Ils avaient été étonnés par le niveau de propreté. Ses collèges avaient du demander une autorisation pour entrer et ils avaient du attendre à l'entrée des deux premères usines piteusement, que la direction de l'entreprise étrangère accepte de les laisser entrer. Comment fallait il comprendre ce comportement des étrangers ? Dans chacune de ces usines ils avaient également rencontré de nombreux long nez. Ils avaient pu parler avec certains d'entre eux. Ils étaient jeunes, fraîchement sortis de l'université ou d'une école d'ingénieurs et passaient là un stage ou un premier emploi. Ils tous enthousiastes d'être en Chine. Ils ne voyaient rien de particulier dans le déroulement de la production dans leurs usines. Ils n'étaient pas tous capables de lire le mandarin, même s'ils avaient un bon niveau de langue. Les équipes qui travaillaient avec ces jeunes les respectaient et les admiraient. Une atmosphère différente de celle qu'ils avaient pu voir dans d'autes enquêtes chez des barbares ! Leur travail d'inspection dans ces usines n'avaient rien donné. Les expéditions litigieuses avaient toutes été traitées et renvoyées au centre de coordination de Shanghai. C'était peut être la seule étrangeté, toutes les archives et tous les papiers des expéditions avaient été transmises à Shanghai. Les équipes d'inspection avaient les copies de ces papiers et donc avaient eu à appeler le QG pour chaque vérification. En fait tout devait certainement se passer à Shanghai...
- Chung, c'est un peu long tout ça. Pourquoi es tu là toi ? Où sont tes collègues ? Tu devais venir avec deux inspecteurs, non ? Tu avais même dit que tu travailles avec une « Perle de Lune ».
- Je suis là parce qu'à Shanghai nous n'avons rien pu obtenir de sérieux dans notre recherche. J'ai alors proposé à nos chefs de visiter les clients finaux et de suivre le chemin des transactions à rebours. Cela perdra du temps toutefois. Si je m'appuie sur mes relations à travers le monde et si...je laisse mes collègues au bureau de Hong Kong pour éviter trop de pression.
- A Hong Kong ? Pas mal. Ils ont accepté ?
- Mes chefs ? Comme un seul homme ? Mes collègues font de temps en temps des sauts à Dahlian, Shanghai et Guandong et surtout ils passent du temps à croiser les informations.
- Donc, tu veux savoir si nous avons récemment importés des volailles de Chine?
- Pas exactement. D'après les factures les volailles de ces différentes entreprises partent pour l'essentiel vers le Brésil pour transformation. Donc je commence par vérifier les importateurs de volailles brésiliennes ici en Europe et aux Etats Unis, parce que habituellement c'est dans ces zones qu'ils vendent les Brésiliens
- Oui, ça se tient. Ils vendent aussi aux Argentins, aux Chiliens, aux Africains, même, si tu lis les journaux ?
- Ca je sais, et c'est ce qui rend cette enquête si difficile. Qu'est ce qui peut différencier un poulet chinois d'un poulet brésilien ? Hein,?
- Y en a un il a les yeux bridés et l'autre il fait le tapin ?
- Le tapin, c'est quoi ce mot nouveau ?
- C'est la manière occidentale de faire de l'arrosage des montagnes en faisant payer, tu vois ?
- Toujours aussi poétique. C'est vrai qu'ici la prostitution est libre.
Hung sourit et se tourna un instant vers le canal en bas de l'immeuble. C'est à peine si Chung entendait les bruits du bureau autour et rien de ce qui se passait dans la rue.Hung vint fixer les yeux sur Chung.
- A part les importations de volailles en provenance du Brésil, est ce que tu veux autre chose ? Y a t il un autre pays ? Un autre produit qui t'intéresse ?
Chung le dévisagea. L'espace d'un instant il avait senti dans les intonnation de son vieil ami comme un espoir, une requête peut être plus insistante que ses mots. Voulait il en savoir plus sur l'enquête ? Ca ne pouvait pas être ça. La tension, le « jetlag », rien d'autre.
- Oui, uniquement du Brésil. C'est là que leurs ventes se font pour près de 90%.
- As tu le nom des sociétés brésiliennes qui achètent ?
- Oui, Hung, la voici. Il prit la liste en hochant la tête. C'était deux pages portant de nombreux noms dont certains étaient écrits en chinois uniquement et d'autres également en caractères romains. Hung releva la tête.
- Elles sont plus ou moins toutes installées près de Sao Paolo, n'est ce pas ? Nous avons quelques fournisseurs parmi ces gens là. De petits fournisseurs je te préviens. Je vais demander au service négoce de la volaille de te sortir. Te sortir quoi au fait.
Il jeta un regard interrogateur et peut être un éclair de moquerie passa dans l'oeil. Chung se posa la question un instant et elle disparut aussitôt.
- Est ce que je peux avoir la liste des transactions depuis trois ans avec ces fournisseurs ? Et... la valeur des transactions.
- Chung tu pousses un peu, là, mon ami. Ne crois tu pas que le dragon va se réveiller ?
- Hung, laisse dormir le dragon. Qu'est ce que tu me proposes ?
- Toutes les transactions supérieures à 10 000€ ou à 12 000$ sont à toi, pour le reste oublies le.
- D'accord. Je souhaiterais alors avoir le nom des navires qui transportent.
- Ca pas de problèmes. Ils sont forcément sur nos fiches de réception de marchandises, même si les volailles sont la plus grande partie du temps dans des containers isothermes. Nous sommes en Europe ici, pas à Dahlian.
- Epargnes moi tes douceurs.
- C'est tout ?
- Oui, frère né avant moi. Maintenant puis je solliciter de ton aimable largesse un grand verre de thé chaud venu du pays ?
- Bien sûr, frère né après moi, j'étais tellement sous le charme de ta voix et de ton histoire aventureuse, que j'ai totalement...
- Ce n'est rien, grand frère, puis je pour te remercier, t'inviter ce soir à la Jonque d'Or ? Tu la connais bien sûr, mais toutefois cela me ferait plaisir de...
- Petit frère, dès qu'il s'agit de manger ou de t'amuser tu es bien le premier.Et c'est moi le petit gros et c'est toi le grand maigre. Ici, tu sais, je me suis habitué aux pratiques alimentaires et aux moeurs. Et ce soir je vais assister à un match de football. Tu vois, je ne dis même plus soccer... Une autre fois petit frère. Voilà le thé.
Une jeune femme, s'approcha avec la théière traditionnelle en fonte verte. Elle était habillée comme dans un bordel de Canton, en rouge et or, la jupe fendue jusqu'en haut des cuisses et le corsage suffisament ouvert pour que Chung puisse voir ses seins, quand elle s'agenouilla pour lui servir le thé. Il leva les yeux vers Hung, qui cligna lentement des paupières.
- Oui, Hung, tu as pris certaines moeurs locales et ?
- Et j'ai gardé pour mes amis le meilleur de la Chine.
Il éclata de rire. Chung, s'appliqua à rire. La partie ne serait pas aussi facile qu'il l'avait escomptée.

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